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Le corps, une représentation mentale

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Processus d’une expérience qui allie recherche informatique et composition chorégraphique.

« C’est grâce à Kasper Toeplitz, lors de son passage à l’Ircam, que je devais rencontrer Myriam Gourfink et me préoccuper de problèmes chorégraphiques : il semblait que certains environnements informatiques développés à l’Ircam pour la composition musicale pouvaient répondre à certains besoins d’écriture de la chorégraphe. Nous devions ainsi, ensemble, puis avec Laurence Marthouret, aller plus avant dans le développement d’un programme informatique adapté à la composition chorégraphique : LOL.

L’ordinateur est l’un des moyens les plus efficaces de représentation des connaissances (l’idée d’une intelligence artificielle est née en même temps que celle de l’ordinateur) : il permet de formaliser et de représenter des connaissances, puis de les manipuler. Aussi, comme un jeu de miroir, la formalisation peut également faire l’objet d’expérimentation : les concepts peuvent être redéfinis, ainsi que leur articulation, et ce travail réflexif fait partie intégrante de l’activité de création. Celle-ci suppose donc une certaine plasticité de son environnement informatique, c’est-à-dire un programme ouvert que chacun peut modeler lui-même. Il s’agit donc ici moins d’écrire un ensemble de prescriptions définissant une « conduite » au travers d’une notation, que de décrire des entités et des processus d’ordre cognitif. Le corps est ainsi, avant d’être l’instrument d’une interprétation, une représentation mentale.

C’est dans cette perspective que nous avons choisi de commencer notre réflexion depuis la notation Laban. Ce choix vient essentiellement de la consistance (dans le sens purement logique) de cette notation : il s’agit d’une notation qui répond à une systématique précise et rigoureuse mais nullement contraignante. Bien au contraire, son aspect systématique permet déjà, au stade de l’écriture, d’imaginer nombre d’alternatives (d’écritures ou de mouvements) et ainsi nécessite une sorte d’explicitation de la part du notateur.

Nous avons donc extrait de la notation Laban un certain nombre de concepts et de dimensions propres au corps tels que appuis, élévation, direction, flexion, rotation, distance, enroulement, contacts, adresses et orientations. À ces dimensions peuvent venir s’en ajouter d’autres, définies par la chorégraphe. Ensuite, le corps est décomposé en parties, définies également par le chorégraphe, auxquelles tout ou partie des dimensions préalablement définies viennent s’appliquer : une « situation », ou « moment », est ainsi actualisé et peut-être intégré dans une séquence, ou plus généralement dans un ensemble ordonné ou non d’autres moments. LOL n’est autre qu’un programme permettant entre autres de définir et de manipuler des objets plus ou moins abstraits et des ensembles qui, outre leur sens mathématique, définissent des catégories grâce aux relations effectuées par le chorégraphe. »

publication originale : revue Mouvement, avril 2001

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